— Ecoutez, je suis là pour vous aider, alors calmez-vous !
|
— Mais j’ai jamais dit que j’avais besoin d’une assistante sociale,
|
alors tu gicles maintenant !
|
— Sortez de mon bureau tout de suite espèce de mal-élevé !
|
— Mal-élevé? |
Mais t'étais là pour me donner à manger? |
Espèce de connasse !
|
(Bruit de feuilles et autres fournitures de bureau qui volent)
|
J’ai commencé à vivre ma vie dans les poubelles
|
Dans un quartier de cramés où les blattes craquent sous tes semelles
|
«Salut !»
|
«Salut, ça va ?»
|
Les mecs observent ta voiture neuve
|
En te félicitant et t’enculent dès qu’ils le peuvent
|
Putain, c’est dément: les gosses de dix ans
|
Ils parlent déjà de faire de l’argent et tu le comprends
|
Quand le quartier est l’unique exemple
|
Où l’on monte des statues aux dealers de blanche ou braqueurs de banques
|
Et sur les murs, pas de graffs extraordinaires
|
Que des traces de pisse et «Policier le con de ta mère»
|
J’ai 13 ans quand ma carrière débute
|
Avec les bagarres des grands dans la rue avec marteaux, cutters et U
|
Bon gré, mal gré j’essayais tout pour sortir d’ici
|
La serviette sur le dos, je traçais à la plage pour brancher les filles
|
Quand elles me demandaient où j’habitais je leur répondais
|
«Chérie juste à côté, la villa du dessus»
|
«Excuse-moi ce ne sont pas les mecs de ton quartier
|
Qui volent les affaires des gens qui sont allés se baigner ?»
|
Grillé ! |
Qu’est-ce qu’il vous a pris de venir ici?
|
Ce putain de quartier me suit !
|
Pour leur prouver, je devais voler
|
Des tee-shirts, des serviettes, des sacs je partais chargé
|
Et quand je n'étais pas à la cité assis sur un banc
|
C’est le quartier qui venait m'étouffer… comme un aimant
|
Ils nous ont envoyés en colonie
|
Dans des stations alpines pour aller faire du ski
|
Au lieu de nous séparer, ils avaient gardé le quartier en troupe
|
Individuellement on n'était pas des mauvais bougres
|
Mais la mentalité de groupe s’exporte aussi fort qu’on la palpe:
|
On a mis le feu aux Alpes !
|
Le retour fut rude, un choc
|
Produisit dans mon esprit un incontournable bloc aussi dur qu’un roc
|
Je raconte c’est tout, je ne veux pas m’absoudre
|
J’ai gratté du plâtre et l’ai vendu au prix de la poudre
|
L’acide de batterie comme une plaisanterie
|
Si tu n’en riais pas, mon gars, tu étais hors de là aussi
|
Les nuits d'été, j’allais regarder le ciel sur le toît du supermarché
|
Je ne sais pas pourquoi, tout à coup je me mettais à chialer
|
Au creux de mes mains:
|
«Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu…»
|
Le jour d’anniversaire de mes 17 ans
|
J’ai plongé comme un âne: quatre ans
|
Dedans j’ai vu encore les mêmes têtes
|
Et les mêmes vices, la même bête
|
Celle qui m’attire et m’attire sans relâche
|
Et me tire, rappelle mes souvenirs
|
À n’en plus finir…
|
Comme un aimant
|
Oui, j’en suis sorti, pas si bien qu’on le dit
|
Heureux de pouvoir retrouver la famille, les amis
|
J’en suis revenu et mon frère y est parti
|
Mes parents auraient souhaité avoir du répit
|
Quand je suis descendu, les mêmes poutres tenaient les murs
|
«Salut les gars, je vois que vous bossez toujours aussi dur»
|
«Qu'est-ce que tu veux qu’on fasse? |
Un tuc?
|
Je gagne en un jour ce qu’on me donne en un mois dans leur truc
|
Écoute fils, le biz:
|
Voilà ce qui ramène vite de l’argent et des «skeezes»
|
J’ai choisi une autre voie: la musique
|
Avec mon ami François, on taquinait les disques
|
En ce temps-là, j’avais une femme belle comme le jour
|
La première que j’appelais «mon amour»
|
Jusqu'à c’qu’elle me dise qu’elle était enceinte de moi
|
Comme un gamin je l’ai prié de dégager de là
|
«Écoute écoute écoute, écoute, s’il-te-plaît tu m’as piégé
|
Alors fais-moi le plaisir de virer
|
Douze mois après, je suis allé voir le gosse c’est fou
|
Je suis tombé amoureux de ce petit bout de rien du tout
|
Et décidé de prendre mes responsabilités
|
Surtout qu’au fond de moi, cette fille je l’aimais
|
Tout en évitant d’aller avec elle dans le quartier
|
Pour ignorer les railleries des crapuleux qui ont bloqué
|
Puis notre musique est passée de la cave à l’usine
|
Nos têtes à la télé, en première page des magazines
|
Mais jamais ô oui jamais
|
Nous avons gagné assez pour pouvoir nous en tirer
|
Mes parents étaient si fiers
|
Que je n’ai pas eu la force de dire combien je gagnais à ma mère
|
Nous étions devenu un exemple de réussite pour le quartier
|
Hun… S’ils savaient !
|
Une famille à charge, il me fallait de l’argent
|
J’ai dealé… Et j’ai pris deux ans
|
Les gens si ouverts qu’ils soient ne peuvent pas comprendre
|
Ils parlent des cités comme une mode
|
Ils jouent à se faire peur, puis ça les gonfle au bout de six mois
|
Mais j’apprécie les chansons qui parlent des crèves comme moi
|
Je ne suis pas l’unique, je ne veux plus qu’on m’aide
|
Je ne peux pas tomber plus bas j’suis raide… Accroché à un aimant… |