Alors par quoi commencer? |
Nous sommes le sept, en avril
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J’ai dix-sept ans cher Sinik, j’t'écris cette lettre en Afrique
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Mon prénom, c’est Daryl, je rêve de rap, de Paris
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Mon travail consiste à mettre de l’essence dans des barils
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Ça fait drôle de te parler de ma vie, j’suis gêné
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Mais j’dois ramener de quoi manger, dans ma famille je suis l’aîné
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Comment ne pas te dire que j’ai si peur de me cramer
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J’ai ton album, et sois honnête; |
est-ce grave si je l’ai gravé?
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Moi je rappe et j’aimerai tant que tu m’apprennes les bons conseils
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Comme tous les jeunes de Libreville, j’attends la date de ton concert
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Ici c’est différent, c’est pas gratuit quand c’est les femmes
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Assimiles-tu que pour te voir, il faut 6.000 francs CFA?
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Ta réussite me donne envie d'être une star, d'être en place, de marcher
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Rendez-vous pris sur la grande place du marché
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Voilà, j’t’ai raconté c’que j’ai toujours du mal à dire
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Et puis pourquoi j’t'écris cette lettre, c’est même pas toi qui va la lire
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Nous sommes le trente, fin avril, aux Ulis, près de Paris
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Il est bientôt vingt-trois heures, comment vas-tu cher Daryl?
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J’espère que tout va bien, que tes projets tiennent debout
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Que le travail c’est pas trop dur, que tes épaules tiennent le coup
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J’ai bien reçu ta lettre, le récit de ton périple
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J’en ai déduit que ton courage n’avait d'égal que ton mérite
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6.000, c’est trop cher, surtout quand t’as rien dans les poches
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Mais t’inquiètes pas j’te ferai rentrer, tu pourras squatter dans les loges
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Daryl, toi qui pensais que j'étais peut-être un beau parleur
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Mais c’est bien moi qui t'écris ça, c’est pas un mec de chez Warner
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Les distances qui nous séparent se sont écourtées dans ma tête
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Mais bien sûr que j’aimerai bien pouvoir écouter ta maquette
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Daryl, moi la musique, elle a délimité ma vie
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Quand j’arriverai dans ton pays, tu nous feras visiter la ville
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Ok, en attendant j’te déconseille de lâcher
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Rendez-vous pris devant la scène, sur la grande place du marché
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Nous sommes le douze, au mois d’août, retour au taf en baskets
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Hier encore tu étais là, j’avais mon badge en backstage
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Me suis isolé là-haut, j’ai vu frisonner ma peau
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Ça m’a fait rigoler à mort le coup des pistolets à eau
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J’ai kiffé quand ça kickait, quand le DJ faisait des scratchs
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Ici la vie a repris vite, ils ont déjà enlevé l’estrade
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Toujours fou de rap français, un jour je m’envolerai là-bas
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Ça m’a donné envie d’y croire, j’espère te renvoyer la balle
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Pourtant, mon père a dit «ici la chance ne nourrit pas
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Écrire du rap et des chansons, ça n’nourrit pas, ne l’oublie pas»
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J’y crois même si des fois je pète un plomb je te l’avoue
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La nuit je rêve de mon concert, de faire un plongeon dans la foule
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Timide, j’ai l’impression d'être sur le fil du rasoir
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J’travaille dur, voilà pourquoi mon écriture pue l’gasoil
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Sinik, ne m’oublie pas parce que le temps bousille les cœurs
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Et n’oublie pas que dans mon cas, ta musique adoucit mes pleurs
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À l’heure qu’il est, j’suis en tournée, j'écris ces mots dans la voiture
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Tu pensais peut-être que j’oublierai, mais ça c’est pas dans ma nature
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Dans la caisse c’est pas facile, m’en veux pas pour les ratures
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Sinon Daryl, ça fait un bail, depuis tout ce temps, comment vas-tu?
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