| L’oeil vif, le regard dans le coin, l’esprit agressif | 
| Avec une patte en moins, la bête ne semble pas craintive | 
| Le dos dans le vent, elle attend le moment propice | 
| Pour rire de tous ces gens croyants qui espèrent le retour du fils | 
| Très loin du parvis, là-bas, sur de l’herbe bien verte | 
| Assise à quelques lieux d’ici, impatiente que les portes soient ouvertes | 
| Elle a pris ses repères, surplombant le village | 
| Elle que l’on dit sorcière s’est donné l’envie de hurler sa rage | 
| Mais l’assemblée sait que tous les dimanches se répètent | 
| Et qu’en sortant de la messe, des injures viendront d’une trouble fête | 
| D’une très vieille dame, qui a vécu le drame | 
| La perte d’un enfant quand le malheur est tombé sur nos âmes | 
| Que la peste soit, que la peste les maudissent ici | 
| Que personne dans ce village n’ait le droit de vivre avec l’envie | 
| Comme elle les déteste, tous ces gens, ce curé | 
| Elle, tout ce qui lui reste, c’est une jambe et le malheur d'être née | 
| Ainsi va celle qui n’a jamais oublié | 
| Sous des chandelles, les démons du passé | 
| Ainsi soit-elle, la femme qui n’a pas brodé | 
| Loin dans le ciel, son bonheur est gravé | 
| [Manau | 
| Les corbeaux volent au-dessus du très vieux clocher | 
| Et cette soi-disant folle attend toujours pour faire sa logorrhé | 
| Encore plus volontaire que tous ces dimanches passés | 
| Aujourd’hui c’est l’anniversaire maudit où le mal a frappé | 
| Il y a eut la mort, venue avec toute sa violence | 
| Choisissant bien ses corps pour les caresser, un vent de souffrance | 
| Une maladie venue par l’océan | 
| La vieille y perdit son mari, sa fille, son seul unique enfant | 
| Alors la voilà, accusant tous ces bons croyants | 
| Tous ceux qui lui avaient dit que la foi guérissait le mauvais sang | 
| Et que si leur dieu rappelle tous ceux qu’ils aiment | 
| Qu’il suffit d'être heureux pour eux mais la vieille s’est remplie de haine | 
| Les cloches sonnent, la messe est maintenant terminée | 
| Puis un bruit qui résonne, les portes de l'église s’ouvrent | 
| Et puis font passer un grand soleil, qui illumine l’autel | 
| Et la voix de cette femme, de cette sorcière, couvrant l’assemblée telle: | 
| «N'allez pas au diable, allez donc, joyeux, ripailler | 
| Quand vous serez à table, n’oubliez pas les bénédicités | 
| Mangez, buvez, en ce dimanche de fête | 
| Invitez le curé, donnez-lui donc votre plus grosse assiette» | 
| Ainsi rassurés, les gens n’ont pas compris ce calme | 
| La sorcière avait-elle trouvé enfin la paix avec son âme? | 
| Chacun pris son pain pour aller déjeuner | 
| Mais personne ne revint, la mort frappa, bien cachée dans le blé |