J’aime la douceur du temps, le regard vers le large
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J’aime la douceur du vent, qui me caresse le visage
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J’aime m'évader, le regard vers l’horizon
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Mais cette mer est un immense mur de prison
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Moi j’aime ce pays qui m’a vu naître
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J’aime, ses paysages qui passent du désert à la verdure
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J’aime cet air pur, celui de mon village au beau milieu de la nature
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J’aime nos coutumes, nos traditions, notre culture
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Je suis diplômé, comme j’ai dû bosser dur
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Pour espérer pouvoir construire une vie plus sûre
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J’ai passé mon enfance et mis toutes mes chances, derrière mon cahier
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Quand j’y pense, je ne demandais qu'à travailler
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Moi je suis atteint par une maladie grave et redoutable
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J’ai espéré être soigné, mais celle-ci est incurable
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Tant de soins, tant de médecins, me disant ne pouvoir rien faire
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Ne disposant pas de moyens nécessaires
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On m’a parlé de l’Occident, de sa science, de ce joli continent
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De nos chances, de l’argent qu’il procurait en abondance
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Vraiment?
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Je t’assure
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Mais je ne veux pas m'éloigner
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Mais là-bas je pourrais taffer, et toi on pourra te soigner
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Non je ne veux pas
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Partir, et abandonner ma terre
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Abandonner la famille, laisser derrière mère et père
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Mais petit frère, allez, partons !
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Non, je ne veux pas !
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Petit frère, allez, partons !
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Quand?
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Je ne sais pas
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Mais il le faut, pour toi et pour eux
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Te voir mourir ici, ne les rendra pas plus heureux !
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Mais crois-tu vraiment
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Que notre chance se trouve de l’autre côté?
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Suis-moi, tu ne le regretteras pas, je te le promets
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El Dorado, ils seraient prêts à mourir pour
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L’El Dorado, ils seraient prêts à souffrir pour
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Allez, partons, nous nous enlaçons, des larmes pleins les yeux
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J’ai comme la drôle d’impression que cet «au revoir» est un «adieu»
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Maman, sèche tes larmes et donne-nous ta bénédiction
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Embrasse tes deux fistons et si Dieu le veut nous reviendrons
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Tu sais, si nous partons, c’est pour aider la famille
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Je veux trouver du boulot et ne pas vivre la famine
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Tu sais, si nous partons, c’est seulement par nécessité
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J’aurais tellement aimer rester parmi vous et être en bonne santé
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Nous voilà partis pour de bon
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Le cœur lourd
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La tête pleine de rêves
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Espérant les revoir un jour
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Un peu d’argent dans une bourse, prêté par notre père
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Ainsi que nos économies qui suffiront à faire l’affaire
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Sûrement
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On m’a présenté un passeur qui nous prendra pas trop cher
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Un pêcheur qui nous fera passer la frontière
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Nous avons marché deux nuit, puis deux jours
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Dans le froid puis la chaleur
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Ne pas être à la bourre, faut qu’on arrive à l’heure
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Nous nous sommes cachés pour attendre afin de ne pas être remarquer
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D’autres personnes nous rejoignent en attendant d’embarquer
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Une barque arrive dans la nuit, entassés comme sur un radeau
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Voici deux ados partis pour l’El Dorado
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El Dorado, ils seraient prêts à mourir pour
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L’El Dorado, ils seraient prêts à souffrir pour
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Les yeux fermés, les poings serrés, j’essaie de tenir bon
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Le silence est pesant le temps me paraît long
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Les gens sont apeurés, le vent est déchaîné
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La mer est agitée je sens mon sang se glacer
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On en a plus pour très longtemps
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Mais j’en ai plus qu’assez, je suis pressé
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De voir la terre à l’horizon se dessiner
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Tiens, de la lumière au loin tout le monde est ravi
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Frangin, je t’invite à toucher des yeux ta nouvelle vie
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Mais tu en es sûr, ce n’est pas quelque chose d’autre?
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Oh mon Dieu, les garde-côtes !
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Soudain tout va trop vite, là les marins se mettent à crier
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Pris de panique, ils nous demandent de sauter
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Les plus jeunes se jettent à l’eau
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Les autres se font pousser
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De peur, les gens plongent dans une eau noire et glacée
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J’en ai le souffle coupé, mon frère n’est plus à mes côtés
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Je ne sais pas où me diriger, les vagues comment à m’emporter
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J’entends des cris, un moment puis plus rien
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Je m’entends appeler mon frère
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Je l’entends pleurer puis plus rien
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Je sens encore ma main dans la sienne
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C’est fou comme je balise
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Pour ne pas que la mer me prenne, je m’agrippe à une valise
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J’essaie de lutter, j’peux plus, plus d’image plus de son
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La bouche ouverte, l’eau envahit mes poumons
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Cher frère, va au bout de ton rêve
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Reste fier, reste fort
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Dis à la famille que je les aime fort
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Dernier effort, dernier souffle, dernier soupir
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Je n’ai plus de forces, je me sens partir
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J’ai pu rejoindre la terre
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Moi et quelque naufragés
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Parmi les quelques rescapés
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Je n’aperçois pas mon frère
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Je vois des corps à la mer
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Que celle-ci a recrachée
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Je ne demandais qu'à bien faire
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Mais j’ai juste tout gâché
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Je voulais vivre mais je crève, je n’ai plus vraiment d’espoir
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Un jour j’ai eu un rêve qui s’est changé en cauchemar
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El Dorado, ils seraient prêts à mourir pour
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L’El Dorado, ils seraient prêts à souffrir pour |