Song information On this page you can read the lyrics of the song Mauvais sang , by - Léo Ferré. Song from the album Une saison en enfer, in the genre Европейская музыкаRelease date: 31.10.1992
Record label: La mémoire et la mer, Léo Ferré
Song information On this page you can read the lyrics of the song Mauvais sang , by - Léo Ferré. Song from the album Une saison en enfer, in the genre Европейская музыкаMauvais sang |
| J’ai de mes ancêtres gaulois l’oeil bleu blanc, la cervelle étroite, |
| et la maladresse dans la lutte. |
| Je trouve mon habillement aussi barbare que le |
| leur. |
| Mais je ne beurre pas ma chevelure |
| Les Gaulois étaient les écorcheurs de bêtes, les brûleurs d’herbes les plus |
| ineptes de leur temps |
| D’eux, j’ai: l’idolâtrie et l’amour du sacrilège; |
| - oh! |
| tous les vices, colère, |
| luxure, — magnifique, la luxure; |
| - surtout mensonge et paresse |
| J’ai horreur de tous les métiers. |
| Maîtres et ouvriers, tous paysans, ignobles |
| La main à plume vaut la main à charrue. |
| — Quel siècle à mains! |
| — Je n’aurai jamais ma main. |
| Après, la domesticité mène trop loin |
| L’honnêteté de la mendicité me navre. |
| Les criminels me dégoûtent comme des |
| châtrés: moi, je suis intact, et ça m’est égal |
| Mais! |
| qui a fait ma langue perfide tellement, qu’elle ait guidé et sauvegardé |
| jusqu’ici ma paresse? |
| Sans me servir pour vivre même de mon corps, et plus oisif que le crapaud, |
| j’ai vécu partout. |
| Pas une famille d’Europe que je ne connaisse |
| — J'entends des familles comme la mienne, qui tiennent tout de la déclaration |
| des Droits de l’Homme |
| — J'ai connu chaque fils de famille! |
| Si j’avais des antécédents à un point quelconque de l’histoire de France! |
| Mais non, rien |
| Il m’est bien évident que j’ai toujours été race inférieure. |
| Je ne puis |
| comprendre la révolte |
| Ma race ne se souleva jamais que pour piller: tels les loups à la bête qu’ils |
| n’ont pas tuée |
| Je me rappelle l’histoire de la France fille aînée de l'Église |
| J’aurais fait, manant, le voyage de terre sainte; |
| j’ai dans la tête des routes |
| dans les plaines souabes, des vues de Byzance, des remparts de Solyme; |
| le culte de Marie, l’attendrissement sur le crucifié s'éveillent en moi parmi |
| mille féeries profanes |
| — Je suis assis, lépreux, sur les pots cassés et les orties, au pied d’un mur |
| rongé par le soleil |
| — Plus tard, reître, j’aurais bivaqué sous les nuits d’Allemagne |
| Ah! |
| encore: je danse le sabbat dans une rouge clairière, avec des vieilles et |
| des enfants |
| Je ne me souviens pas plus loin que cette terre-ci et le christianisme. |
| Je n’en finirais pas de me revoir dans ce passé |
| Mais toujours seul; |
| sans famille; |
| même, quelle langue parlais-je. |
| Je ne me vois jamais dans les conseils du Christ; |
| ni dans les conseils des |
| Seigneurs, — représentants du Christ |
| Qu'étais-je au siècle dernier: je ne me retrouve qu’aujourd’hui. |
| Plus de vagabonds, plus de guerres vagues. |
| La race inférieure a tout couvert — |
| le peuple, comme on dit, la raison; |
| la nation et la science |
| Oh! |
| la science! |
| On a tout repris. |
| Pour le corps et pour l'âme, — le viatique, |
| — on a la médecine et la philosophie, — les remèdes de bonnes femmes et les |
| chansons populaires arrangés |
| Et les divertissements des princes et les jeux qu’ils interdisaient! |
| Géographie, cosmographie, mécanique, chimie… |
| La science, la nouvelle noblesse! |
| Le progrès. |
| Le monde marche! |
| Pourquoi ne |
| tournerait-il pas? |
| C’est la vision des nombres. |
| Nous allons à l’Esprit. |
| C’est très-certain, |
| c’est oracle, ce que je dis. |
| Je comprends, et ne sachant m’expliquer sans |
| paroles païennes, je voudrais me taire |
| Le sang païen revient! |
| L’Esprit est proche, pourquoi Christ ne m’aide-t-il pas, |
| en donnant à mon âme noblesse et liberté |
| Hélas! |
| l'Évangile a passé! |
| l'Évangile! |
| L'Évangile |
| J’attends Dieu avec gourmandise. |
| Je suis de race inférieure de toute éternité |
| Me voici sur la plage armoricaine. |
| Que les villes s’allument dans le soir |
| Ma journée est faite; |
| je quitte l’Europe. |
| L’air marin brûlera mes poumons; |
| les climats perdus me tanneront |
| Nager, broyer l’herbe, chasser, fumer surtout; |
| boire des liqueurs fortes comme |
| du métal bouillant, — comme faisaient ces chers ancêtres autour des feux |
| Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre, l’oeil furieux: |
| sur mon masque, on me jugera d’une race forte. |
| J’aurai de l’or: |
| je serai oisif et brutal |
| Les femmes soignent ces féroces infirmes retour des pays chauds |
| Je serai mêlé aux affaires politiques. |
| Sauvé |
| Maintenant, je suis maudit, j’ai horreur de la patrie. |
| Le meilleur, |
| c’est un sommeil bien ivre, sur la grève |
| On ne part pas. |
| — Reprenons les chemins d’ici, chargé de mon vice, |
| le vice qui a poussé ses racines de souffrance à mon côté, dès l'âge de raison |
| — qui monte au ciel, me bat, me renverse, me traîne |
| La dernière innocence et la dernière timidité. |
| C’est dit. |
| Ne pas porter au |
| monde mes dégoûts et mes trahisons |
| Allons! |
| La marche, le fardeau, le désert, l’ennui et la colère |
| A qui me louer? |
| Quelle bête faut-il adorer? |
| Quelle sainte image attaque-t-on? |
| Quels coeurs briserai-je? |
| Quel mensonge dois-je tenir? |
| — Dans quel sang |
| marcher? |
| Plutôt, se garder de la justice. |
| — La vie dure, l’abrutissement simple, |
| — soulever, le poing desséché, le couvercle du cercueil, s’asseoir, s'étouffer |
| Ainsi point de vieillesse, ni de dangers: la terreur n’est pas française |
| — Ah! |
| je suis tellement délaissé que j’offre à n’importe quelle divine image |
| des élans vers la perfection |
| Ô mon abnégation, ô ma charité merveilleuse! |
| ici-bas, pourtant! |
| De profundis |
| Domine, suis-je bête! |
| Encore tout enfant, j’admirais le forçat intraitable sur qui se referme |
| toujours le bagne; |
| je visitais les auberges et les garnis qu’il aurait sacrés |
| par son séjour; |
| je voyais avec son idée le ciel bleu et le travail fleuri de la |
| campagne; |
| je flairais sa fatalité dans les villes |
| Il avait plus de force qu’un saint, plus de bon sens qu’un voyageur — et lui, |
| lui seul! |
| pour témoin de sa gloire et de sa raison |
| Sur les routes, par les nuits d’hiver, sans gîte, sans habits, sans pain, |
| une voix étreignait mon coeur gelé: «Faiblesse ou force: te voilà, |
| c’est la force |
| Tu ne sais ni où tu vas ni pourquoi tu vas, entre partout, réponds à tout. |
| On ne te tuera pas plus que si tu étais cadavre.» |
| Au matin j’avais le regard si perdu et la contenance si morte, que ceux que |
| j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu |
| Dans les villes la boue m’apparaissait soudainement rouge et noire, |
| comme une glace quand la lampe circule dans la chambre voisine, |
| comme un trésor dans la forêt! |
| Bonne chance, criais-je, et je voyais une mer de flammes et de fumée au ciel; |
| et, à gauche, à droite, toutes les richesses flambant comme un milliard de |
| tonnerres |
| Mais l’orgie et la camaraderie des femmes m'étaient interdites. |
| Pas même un |
| compagnon |
| Je me voyais devant une foule exaspérée, en face du peloton d’exécution, |
| pleurant du malheur qu’ils n’aient pu comprendre, et pardonnant! |
| — Comme Jeanne d’Arc! |
| — «Prêtres, professeurs, maîtres, vous vous trompez en me livrant à la justice. |
| Je n’ai jamais été de ce peuple-ci; |
| je n’ai jamais été chrétien; |
| je suis de la race qui chantait dans le supplice; |
| je ne comprends pas les lois; |
| je n’ai pas le sens moral, je suis une brute: vous vous trompez… «Oui, j’ai les yeux fermés à votre lumière. |
| Je suis une bête, un nègre |
| Mais je puis être sauvé. |
| Vous êtes de faux nègres, vous maniaques, féroces, |
| avares |
| Marchand, tu es nègre; |
| magistrat, tu es nègre; |
| général, tu es nègre; |
| empereur, |
| vieille démangeaison, tu es nègre: tu as bu d’une liqueur non taxée, |
| de la fabrique de Satan |
| — Ce peuple est inspiré par la fièvre et le cancer. |
| Infirmes et vieillards sont |
| tellement respectables qu’ils demandent à être bouillis |
| — Le plus malin est de quitter ce continent, où la folie rôde pour pourvoir |
| d’otages ces misérables. |
| J’entre au vrai royaume des enfants de Cham |
| Connais-je encore la nature? |
| me connais-je? |
| — Plus de mots. |
| J’ensevelis les morts dans mon ventre. |
| Cris, tambour, danse, |
| danse, danse, danse! |
| Je ne vois même pas l’heure où, les blancs débarquant, |
| je tomberai au néant |
| Faim, soif, cris, danse, danse, danse, danse! |
| Les blancs débarquent. |
| Le canon! |
| Il faut se soumettre au baptême, s’habiller, |
| travailler |
| J’ai reçu au coeur le coup de grâce. |
| Ah! |
| je ne l’avais pas prévu! |
| Je n’ai point fait le mal. |
| Les jours vont m'être légers, le repentir va m'être |
| épargné. |
| Je n’aurai pas eu les tourments de l'âme presque morte au bien, |
| où remonte la lumière sévère comme les cierges funéraires |
| Le sort du fils de famille, cercueil prématuré couvert de limpides larmes. |
| Sans doute la débauche est bête, le vice est bête; |
| il faut jeter la pourriture |
| à l'écart |
| Mais l’horloge ne sera pas arrivée à ne plus sonner que l’heure de la pure |
| douleur! |
| Vais-je être enlevé comme un enfant, pour jouer au paradis dans |
| l’oubli de tout le malheur! |
| Vite! |
| est-il d’autres vies? |
| — Le sommeil dans la richesse est impossible. |
| La richesse a toujours été bien |
| public |
| L’amour divin seul octroie les clefs de la science. |
| Je vois que la nature n’est |
| qu’un spectacle de bonté |
| Adieu chimères, idéals, erreurs. |
| Le chant raisonnable des anges s'élève du |
| navire sauveur: c’est l’amour divin |
| — Deux amours! |
| je puis mourir de l’amour terrestre, mourir de dévouement. |
| J’ai laissé des âmes dont la peine s’accroîtra de mon départ! |
| Vous me choisissez parmi les naufragés; |
| ceux qui restent sont-ils pas mes amis? |
| Sauvez-les! |
| La raison m’est née. |
| Le monde est bon. |
| Je bénirai la vie. |
| J’aimerai mes frères. |
| Ce ne sont plus des promesses d’enfance |
| Ni l’espoir d'échapper à la vieillesse et à la mort. |
| Dieu fait ma force, |
| et je loue Dieu |
| L’ennui n’est plus l’amour. |
| Les rages, les débauches, la folie, dont je sais |
| tous les élans et les désastres, — tout mon fardeau est déposé |
| Apprécions sans vertige l'étendue de mon innocence |
| Je ne serais plus capable de demander le réconfort d’une bastonnade. |
| Je ne me crois pas embarqué pour une noce avec Jésus-Christ pour beau-père |
| Je ne suis pas prisonnier de ma raison. |
| J’ai dit: Dieu. |
| Je veux la liberté dans |
| le salut: comment la poursuivre? |
| Les goûts frivoles m’ont quitté |
| Plus besoin de dévouement ni d’amour divin. |
| Je ne regrette pas le siècle des |
| moeurs sensibles. |
| Chacun a sa raison, mépris et charité: je retiens ma place au |
| sommet de cette angélique échelle de bon sens |
| Quant au bonheur établi, domestique ou non… non, je ne peux pas. |
| Je suis trop dissipé, trop faible. |
| La vie fleurit par le travail, |
| vieille vérité: moi, ma vie n’est pas assez pesante, elle s’envole et flotte |
| loin au-dessus de l’action, ce cher point du monde |
| Comme je deviens vieille fille, à manquer du courage d’aimer la mort! |
| Si Dieu m’accordait le calme céleste, aérien, la prière, — comme les anciens |
| saints |
| — Les saints! |
| des forts! |
| les anachorètes, des artistes comme il n’en faut plus! |
| Farce continuelle! |
| Mon innocence ferait pleurer. |
| La vie est la farce à mener |
| par tous |
| Assez! |
| Voici la punition. |
| — En marche! |
| Ah! |
| les poumons brûlent, les tempes grondent! |
| la nuit roule dans mes yeux, |
| par ce soleil! |
| le coeur… les membres… |
| Où va-t-on? |
| au combat? |
| Je suis faible! |
| les autres avancent. |
| Les outils, |
| les armes… le temps… |
| Feu! |
| feu sur moi! |
| Là! |
| ou je me rends. |
| — Lâches! |
| — Je me tue! |
| Je me jette aux |
| pieds des chevaux! |
| Ah… |
| — Je m’y habituerai |
| Ce serait la vie française, le sentier de l’honneur! |
| Name | Year |
|---|---|
| Avec le temps | 2006 |
| À Saint-Germain-des-Prés | 2020 |
| Jolie môme | 2015 |
| Le serpent qui danse (Les fleurs du mal) | 2010 |
| Les anarchistes | 2017 |
| Madame la misère | 1986 |
| A Saint Germain Des PRÉS | 2014 |
| L'amour | 2016 |
| Et les clous | 2009 |
| Les cloches de notre dame | 2009 |
| La chambre | 2009 |
| Spleen | 2015 |
| Le lit | 2021 |
| Ils ont voté | 1986 |
| Paris-canaille | 2009 |
| Et des clous | 2010 |
| Quartier latin | 2021 |
| Le vin de l'assassin | 2021 |
| Tu sors souvent | 2021 |
| La mélancolie | 1986 |