Mon arrivée en France, y’a bien longtemps
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Depuis que j’crois plus en l’ONU, depuis que j’crois plus en l’OTAN
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Maintenant j’ai vingt ans et quelques poussières
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Et j’repense à l’Afrique où nous étions encore hier
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On a grandi là-bas au bord du lac Tanganyika
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Et moi je supporte ici, tant que là-bas y’aura mes gars
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Eh J-NO, Mucyo, Iris, Fabrice et les autres
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Des potes comme vous j’vous assure j’en ai pas retrouvé d’autres
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Et puis y’a eu Paris, maintenant j’l’appelle «Panam «La pollution, les épiciers berbères et leurs mauvaises bananes
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Ici c’est grecs, mac do, la pluie, le froid, les flaques d’eau
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Métro boulot dodo, la place Vendôme et les clodos
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Mais j’m’habitue, j’aime mes baskets et mon bitume
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Et comme j’veux faire fortune, au mois d’août j’me fais des thunes
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J’suis solitaire et des fois je sors la plume
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J’suis pas rappeur, juste un virevolteur de mots pleins d’amertume
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L’AFRANCE est l’asile, l’absence et l’exil
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Souffrance mais par pudeur faut pas que je l’exhibe
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Je vis loin des mes rêves, de mes espoirs, de mes espérances
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C’est ça qui me tue d'être écartelé entre Afrique et France
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Mon père chasse le croco, ma mère met du lait d’coco
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Ici je suis franco-rwandais j’vais pas vous faire un topo
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J’ai quitté le pays et sa situation sinistre
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J’m'étais promis, ben qu’un jour je deviendrai ministre
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Mais j’ai grandi, j’ai pas d’plan pour le Burundi
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J’continue d’espérer, les frères c’est pas ce qu’on avait dit?
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J’ai revu Buja, elle a plus le même visage
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C’est devenu une ville sage et tous les jeunes veulent un visa
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Des fois j’me demande si j’ai un devoir envers l’Afrique
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J’pourrais fermer les yeux, une femme des gosses et garder mon fric
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Problème existentiel de nos délires névrotiques
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De ma vision romantique, j’veux faire naître un nouveau type
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Car j’fais partie de cette diaspora de cette jeunesse
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Qui a quitté le pays pour faire recette
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Mais j’men rends compte, qu’on est trop con
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Qu’on gâche nos vies et que l’Europe devient notre cocon
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Tu te rappelles nos grands-pères aimaient leur terre et leur bétail
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Et nous les fils on se perd dans les guerres et les batailles
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Ma mémoire se paralyse, et ma peine se cautérise
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Des machettes qu’on aiguise, de tous nos morts dans nos églises
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J’oublie pas que l’exil c’est comme une porte d’exit
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Je crie mes origines car c’est comme ça que j’existe
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Trop de larmes ont coulé, beaucoup de textes j’ai gribouillé
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Maintenant je regarde le soleil sur le lac d’une plage de Kibuye
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Petite sœur tu prends la ligne pour les milles collines
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Embrasses bien les cousins, embrasses bien les cousines
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Et puis embrasses aussi la grand-mère à Butare
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Dis lui que chaque année que je passe loin d’elle me rend plus taré
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Et si tu prends le bus Vénus pour Bujumbura
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Fais gaffe à toi, aux embuscades à Bugarama
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Embrasse papa qui est resté au pays
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Dis lui qu’en France je ne grandis plus, dis lui que je vieillis |