| Entrez, monsieur,
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| Vous tombez pile:
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| Je sers le meilleur Casse-graine de la ville.
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| Mes concurrents
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| Sont des fumistes
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| Ou des faisans
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| Qui arnaquent le touriste.
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| Ça court pas les rues,
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| Les vrais, les balaises,
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| Qui sont fiers de servir
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| L’hôtellerie française.
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| Maître Thénardier pige en un clin d’oeil
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| Le genre du client et le poids du portefeuille.
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| Je les déboutonne
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| D’une histoire cochonne:
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| Plus ils se bidonnent
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| Et plus il biberonnent.
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| Je me rancarde sur leurs problèmes,
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| C’est que dalle de faire semblant.
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| Mais on n’a rien pour peau de balle,
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| Et je leur facture un supplément.
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| Maître du manège, cocher du carrosse,
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| Je leur chauffe la braise qui brûle au fond de leurs poches.
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| Je leur sers un junglard qui tape sur l’enclume
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| Et je gaule leurs bibelots quand ils ont chaud aux plumes.
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| Pour la vie, on est compères, frères de lait, frères de flacon;
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| Mais ils l’ont dans le baigneur,
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| Seigneur! |
| je les entube jusqu’au trognon.
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| Maître Thénardier est un bon chrétien
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| Qui passe tout son temps à servir son prochain.
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| Il crèche les manants, il lèche les seigneurs,
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| Réconforte et philosophe avec son coeur.
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| Le compagnon de tout le monde, l’ami cher et attentif.
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| Mais gare à vos tiroirs ce soir, je vais vous écorcher vif!
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| Entrez, monsieur, la route donne soif;
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| Ouvrez vos bottes, moi, j’ouvre un carafe.
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| Ce sac d’une tonne retarde votre course,
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| Moi je m’efforce d’alléger votre bourse.
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| La dinde est bien cuite, le gras dégouline
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| Et j’ai le carreau sur tout ce qui sort de ma cuisine.
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| Je sers tous les restes, le vieux fait du neuf:
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| Passées au hachoir, mes bidoches sont «pur boeuf».
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| Les rognons du chat, la vessie de génisse,
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| Tout est bon, tout glisse fourré dans une saucisse.
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| On fait la pension complète, nos suites sont prises à l’année,
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| À des prix raisonnables plus… les surprises et les petits à-côtés.
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| Je facture les puces, les rats, les cafards.
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| Je compte de combien leur ombre use le miroir.
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| Avant leur départ, j’ajoute la valeur
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| Des mouches que leur clebs a gobées dans le secteur.
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| On a tous nos petites ruses quand vient l’heure de l’addition.
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| Avec tout ce qu’ils sifflent, pendant qu’y s’empiffrent,
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| Les chiffres montent et montent jusqu’au plafond.
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| Maître Thénardier est un bon chrétien
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| Qui passe tout son temps à servir son prochain.
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| Il crèche les manants, il lèche les seigneurs,
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| Réconforte et philosophe avec son coeur.
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| Le compagnon de tout le monde, le copain toujours présent.
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| Ils sont si convaincus, ces cons, qu’y se cassent en me remerciant.
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| Moi qui priais le ciel pour pas vieillir toute seule,
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| Y’a des soirs ou je me dis que j’aurais mieux fait. |
| de fermer ma gueule…
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| Maître Thénardier valait pas que je gaspille
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| Ma vertu et mes plus belles années de jeune fille.
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| Il promet la lune mais comme tous les hommes,
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| Quand vient le soir au lit ma fille y’a plus personne.
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| Y se prend pour Dieu le Père,
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| Toujours bourré comme une oie;
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| Je vous jure que quand je vais me le faire
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| Y va ressembler à du foie gras.
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| Maître Thénardier
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| Maître feignardier
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| Réconforte et philosophe.
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| Y’a que moi qui bosse.
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| Ami sans malice, compagnon d’ivresse,
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| Hypocrite, menteur et mari de justesse.
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| À la santé de l’aubergiste, buvons au cabaretier.
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| Encore une petite timbale!
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| Qu’y se la mette dans le trou de balle!
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| Buvons tous à la santé de notre maître Thénardier! |