Maman, tu m’manques, j’ai pris le cargo
|
Arrivé au port, j’ai sauté dans le paquebot
|
Mais j’te jure que c’est pas moi qui ai commis ce crime
|
Le procureur et l’avocat m’ont choisi comme victime
|
Je suis dans la cale avec des noix de coco
|
Je ne sais pas où je vais, dites-moi: où va ce bateau?
|
Sur la mer j’perds pater et mère, je perds la Terre Mère
|
Mal de mer, plus de repères, plus les pieds sur terre
|
Fier, je reviendrai pour me venger
|
C’est eux les coupables bientôt les choses vont changer
|
Je suis comme mon ancêtre en 1730
|
Je pars sans savoir où, et ça me hante
|
Sur ce bateau, je vois des trafics
|
Import Export, connivences avec les flics
|
Toutes ces caisses sont les preuves de mon innocence
|
Au fond de moi, j’espère qu’on arrive en France
|
Les choses seront plus simples, c’est le pays des Droits de l’Homme
|
Je leur dirai tout ce qui c’est passé, et s’il le faut j’nomme
|
A croire que le mal circule par bateau
|
C’est chaud, j’espère qu’ils n’ont pas un seul complice là-haut
|
J’suis parti sans visa face à l’arbitraire
|
Dans l’but de revenir, c’est pas de l’adultère
|
Mais si on m’livre aux autorités que je viens de quitter: j’me plante
|
J’ai peur qu’il n’y ait connivence, ça me hante
|
Près de la capitale j’ai atterri chez Tonton Moussa
|
Il travaille à l’usine, le contremaître l’appelle Bamboula
|
Sa femme Fatoumata fait la cuisine aux gosses
|
Les courses et le ménage, toute la journée elle bosse
|
La télé est un trophée placé au centre du salon
|
Elle représente un horizon dans cette jungle de béton
|
Parfois je reconnais mes paysages au bois d'ébène
|
Et puis je retrouve le sourire comme les What For et Nolwenn
|
C’est la banlieue, dans ce lieu il y a le banc
|
Sur le banc il y les bannis, c’est le banc des gens au ban
|
J’pense aux Baobabs tout comme aux cèdres du Liban
|
Faut qu’on en plante, le béton brut, ça me hante
|
A l'école, près du BDE
|
Elle m’a regardé fixement et moi j’ai baissé les yeux
|
Sensation complexe dans le cortex
|
J’ai dessiné son sexe sur mon cahier de textes
|
Puis j’me suis mis dans son groupe pour faire un exposé
|
Donc après les cours parfois on se voyait
|
J’avais son téléphone et je lui téléphonais
|
Elle disait: «raccroche d’abord», ça voulait dire qu’elle m’aimait
|
Elle m’a tenu la main une première fois au ciné
|
Ensuite en sortant de l'école et là j’ai halluciné
|
Puis elle m’a dit que ses parents avaient été mutés à Nantes
|
J’ai perdu ma belle plante, et ça me hante
|
Après l’amour, il y a la tour, et puis ses troubadours
|
Freestyle, freaky-freaky flow presque tous les jours
|
Il n’aiment pas le système, n’aiment que les BPM
|
Et parlent de Benz, de BM et de haine en bas des HLM
|
De femmes sexy, d’soirées dans des bars «cosy»
|
De Nicolas Sarkozi, de UZI dans le jacuzzi
|
De zac et de zup, de SMIC et de stups, de shit de tuc
|
De zik, de strip, de tease et de truc de «uc»
|
De balles dans l’estomac de gars tombés dans le coma
|
De gars qui ont tant de traumas qu’on les croient sortis du MOMA
|
Pas la peine de passer de pommade quand le peuple déchante
|
J'écoute ce qu’ils chantent, et ça me hante
|
J’entends des motos arriver et puis des balles partir
|
J’connais pas ces gens j’veux pas mourir martyr
|
Pourquoi cette embuscade? |
Pourquoi ça pétarade?
|
C’est comme Jallalabad jumelée à Bagdad
|
Le directeur de casting m’a donné le mauvais rôle
|
Personne ne m'épaule quand je tombe avec une balle dans l'épaule
|
Le sang me souille à cause d’une brouille d’une magouille, une embrouille
|
Puis viennent des patrouilles pour ramasser les douilles
|
L'épaule me lance quand ça balance dans l’ambulance pour l’hosto
|
Une victime innocente dans un monde de costauds
|
Dans cette pluie battante je pense à ma maman ma tante
|
A cette mauvaise pente, à l’insuline et ça me hante
|
J’ai cru voir Chétane au bloc opératoire
|
Quand le médecin a murmuré: il est trop tard
|
Le flash du scialytique me fait penser à l’au-delà
|
Ma hantise: voir l'électrocardiogramme plat
|
Dès lors je prie Dieu, ponctue par Amen
|
Jure de faire le Ramadan, Pessah et puis Carême
|
Mes yeux se ferment et pour ne pas voir le diable
|
Mentalement je lis l’Ave Maria en arabe |
La vieille dame à la faux m’a loupé
|
Time-code décalé, Dieu soit loué
|
Faut que j’me concentre sur mes diplômes et qu’ensuite je rentre
|
Quand je pense à l’aide-soignante, je vois ma vie et ça me hante
|
Drame, j’ai pris la balle à cause d’une dame
|
Qui se faisait agresser par un groupe de cleptomanes
|
J’voyais qu’ils la secouaient près du distributeur
|
On m’a pris pour l’agresseur à cause de ma sombre couleur
|
Ca sent le sacrifice, plaidoirie de néophyte
|
Avocat commis d’office. |
La décision de justice
|
Dit que j’vais payer à la place de mes dix complices
|
Cette peine me peine mais faut que j’l’accomplisse
|
J’ai troqué mes exams pour mitard et parloir
|
Plus une double peine, interdiction de territoire
|
C’est avec comme diplôme un casier que je rentre
|
Erreur judiciaire mais j’ai honte et ça me hante
|
Partir en conquérant, revenir en paria
|
Et croire que la justice, ici-bas, n’existe pas
|
Comment veux-tu que de retour dans le village je puisse aider les gens
|
A qui j’ai dit «gardez confiance» en partant
|
L’Homme est animal, l’humanité est animalité
|
L'égalité non appliquée partout est une fatalité
|
Si je témoigne avec poigne c’est qu'ça me soigne et m'éloigne
|
De ce qui me hante, depuis l’hypokhâgne et le bagne
|
Maintenant je pense à ma soutenance de thèse
|
Au manioc que je plante près de ma case en terre glaise
|
Maman ce diplôme me manque
|
J’aurais pu faire plus pour tous ces gosses et ça me hante |